La prune d’Ente, une culture en dents de La prune d’Ente, une culture en dents de scie
Aujourd’hui, le pruneau est moins rémunérateur. Mais pour le Gaec Ferme de la forêt, c’est grâce à ce revenu qu’il a pu se diversifier vers d’autres productions.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Après quarante-cinq ans passés dans les vergers, Didier Galinou reste attaché à la culture de la prune d’Ente et son produit final, le pruneau d’Agen. Il a pris la suite de ses parents, eux-mêmes établis dans le Lot-et-Garonne depuis 1958 : « Je me suis installé sur l’exploitation en 1986 et nous avons créé un Gaec. Par la suite, ma femme Lydie nous a rejoints, ainsi que mon frère Xavier, en 1991. » Comme beaucoup d’exploitations du Lot-et-Garonne, l’activité de la ferme est diversifiée. Mais les productions évoluent : « Nous avons été éleveurs laitiers, livrant annuellement jusqu’à 780 000 litres. Nous avons arrêté en 2018. » Depuis, la ferme s’est réorientée vers l’engraissement de jeunes bovins et la production de noisettes. Dix-sept nouveaux hectares ont d’ailleurs été plantés l’année dernière.
Les exploitants restent attachés à cet état de polyculteur-éleveur : « C’est grâce au revenu du pruneau que la filière des noisettes s’est développée. Par contre, nous ferions une erreur en nous spécialisant pruniculteur », estime Didier.
Le risque du coup de vent
Cette production est certes rémunératrice, mais trop irrégulière, car très sensible aux aléas climatiques, notamment au vent. « Quand je suis arrivé, nous possédions trois hectares de verger. Nous travaillions avec de la main-d’œuvre familiale. La récolte était déjà mécanisée, mais nous ramassions aussi les fruits tombés au sol. Après un coup de vent, il fallait agir vite, généralement dans les vingt-quatre heures, avant que les fruits ne s’abîment trop. » Désormais, avec dix-sept hectares en pleine production, les fruits tombés entre deux passages de machine restent au sol : « Il y a huit ans, nous faisions encore l’effort de ramasser les prunes à terre. Mais aujourd’hui, entre la baisse du prix et le manque de main-d’œuvre, ça ne vaut plus la peine. Or le risque météo reste fort dans cette production. Depuis les années 2000, nous avons essuyé des tempêtes et connus des années sans récolte. »
Un stock trop important
Paradoxalement, le pruneau vit une conjoncture inédite suite à quatre années consécutives de grosses récoltes. « Je n’ai jamais connu ça », reconnaît le producteur. Mais de son avis, rien de catastrophique : « Je préfère vivre une période excédentaire plutôt qu’une tempête qui arrache les vergers ! » Cette année, pour réduire ses stocks, le conseil d’administration de sa coopérative France Prune a décidé d’écarter de la récolte les plus petits calibres.
À l’échelle de la filière, le stock de pruneaux est de l’ordre de 48 000 tonnes, soit environ l’équivalent d’un an et demi de la consommation française. La profession sait qu’elle doit développer de nouveaux marchés, plutôt en France car la concurrence reste féroce à l’export. « À nous de séduire les jeunes consommateurs car le pruneau est un produit extra sur le plan nutritionnel. Mais nous pâtissons d’une image vieillissante. Pour beaucoup, le pruneau est juste le laxatif naturel », analyse Didier.
Un prix de base insuffisant pour les jeunes
En 2018, sa coopérative rémunérait la prune de gros calibre (52) à 1,40 euro par kilo (en prix de base). « C’est peut-être un prix viable pour un exploitant en fin de carrière, mais insuffisant pour un jeune qui doit entretenir du matériel et investir. Pour maintenir un produit de qualité, il faudrait remonter à 1,80 euro par kilo. En 2017, notre prix de base était de 2 euros par kilo. »
À 61 ans, Didier Galinou a décidé de prendre sa retraite. Un salarié va être embauché pour le remplacer. Il n’est pas impossible qu’un de ses enfants rejoigne un jour le Gaec Ferme de la forêt. Pour l’instant, les regards se portent sur les noisetiers : il faut d’abord attendre que les nouvelles plantations entrent en production, avant de s’équiper et acheter une récolteuse notamment. « Aux plus jeunes de faire des projets à présent », conclut l’agriculteur.
Hélène Quenin
[summary id = "10018"]
Pour accéder à l'ensembles nos offres :